l'encrier de rosemarie

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Les foins

Quand je vois comment se font les foins au jour d'aujourd'hui, j'ai envie de vous raconter la manière dont on les faisait, il y a 70 ans, eh oui!

 

Jeune paysanne n'y connaissant rien, j'avoue, au début, avoir souffert de vilaines ampoules aux mains dues au frottement du manche du râteau.

 

Debout à cinq heures, il fallait préparer un solide "petit"-déjeuner - polenta, röstis, café au lait, pain - pendant que le grand-père et mon mari soignaient le bétail et trayaient nos vaches. Il fallait encore aller porter le lait à la laiterie du village.

 

Après le repas du matin, les trois hommes partaient, la faux sur l'épaule, faucher le pré. J'entends encore le chuintement que faisait l'herbe sous les coups de faux en cadence.

 

Ma belle-maman et moi, armées d'une fourche, allions étendre les andains soigneusement pour que le soleil puisse déjà "essuyer" la rosée de la nuit.

 

Pour les repas, la maman de Milo mettait la marmite pour la soupe avec des poireaux et des pommes de terre sur le feu avant de partir aux foins. De temps à autre, j'allais ajouter un morceau de bois au feu, pour qu'il ne s'éteigne pas. Un morceau de lard ou une-deux saucisses cuisaient ensemble. On ne connaissait pas l'al dente!

 

Ensuite, après le repas de midi, on retournait le foin. Puis, vers cinq heures, même par beau temps, on le mettait en tas, qu'on appelait "pirons". Le lendemain, s'il faisait beau, double travail: étendre les nouveaux andains fraîchement fauchés et, dès que la rosée avait séché, étendre les tas. Par beau temps, deux jours étaient suffisants pour que l'on puisse charger le foin pour le mettre à la grange.

 

Un bœuf, attelé au char à échelles, attendait patiemment que tout soit chargé. Cela se faisait à la force des bras du grand père et de l'oncle qui vivait avec nous. Milo, sur le char, arrangeait le foin pour que le char ne verse pas pendant le trajet. Les deux femmes râtelaient pour qu'il ne reste rien sur le terrain.

 

Rien n'était plus beau qu'un pré bien fauché!

 

Une fois le foin à la grange, toute la famille allait boire le café et manger des pommes de terre bouillies avec du fromage de montagne tellement mûr qu'il était "cironné". Après ce repas, on allait tous décharger cette récolte qui nourrissait le bétail tout l'hiver. Milo passait une fourchée au premier de la rangée qui la passait à celui qui se trouvait un peu plus haut, puis à celle qui était presque tout en haut, moi. Je rangeais ce foin pour que la "têche" soit uniforme. Les enfants participaient en pilant cette herbe sèche qui leur piquait les mollets. Quand ils allaient, à mon goût, trop au bord du tas, cela me secouait tout le corps, tant j'avais peur de les voir chuter. C'était ainsi de fin mai à début juin. Quelques années pluvieuses, on terminait en juillet.

 

Et l'oncle "enchapellait" les trois faux, assis par terre, la lame démanchée en travers des genoux. Il tapait à petits coups régulièrement le bord déformé pour rendre le mordant à l'outil. J'aimais entendre ce bruit régulier devant la maison, alors que nous préparions les légumes pour le lendemain. Le matin, nous n'avions pas de temps à perdre, il nous fallait aller aux foins.

 

Une fois, une seule fois, nous avons rentré du fourrage encore un peu humide, en deux ou trois jours. Si bien que ce satané foin s'est mis à fermenter et de la vapeur est sortie. Cela signifiait que le tas aurait pu prendre feu. Il a fallu faire une tranchée - dur travail mais indispensable - tranchée faite avec un coupe-foin pour que cette chaleur puisse s'évaporer. Je vous avoue que nous avons passé des jours et des nuits dans l'angoisse. Par bonheur, tout a fini par bien se passer.

 

Plus tard, les enfants que nous avions eus venaient râteler aussi. Ils s'en rappellent bien, devenus adultes.

 

Pendant le temps des foins, on ne faisait absolument rien d'autre. La mauvaise herbe pouvait bien pousser au plantage, cela nous concernait nous, les femmes, une fois la grange remplie.

 

Voilà, je crois avoir écrit aussi fidèlement que possible les fois d'antan. Quand je pense qu'aujourd'hui un seul homme avec des machines modernes fait à lui seul ce que l'on faisait à plusieurs... Bon, nous n'avions pas toute la paperasse que les paysans nantis ont à remplir pour satisfaire l'Etat.

 

m.coppex/mai 2014


Le 2014-05-27



06/10/2015
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