l'encrier de rosemarie

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Tempête de vaudaire*

Nous habitions une ferme foraine (isolée) derrière la Porte-du-Scex, mais sur sol vaudois, au bord du Rhône. Maison solide aux murs épais mais au toit fragile, n'étant pas lambrissé.

 

Chaque année, la vaudaire pas trop violente nous enlevait quelques tuiles qu'il fallait remettre en place tout de suite car, une fois le vent tombé, la pluie prenait la relève. Mais un beau matin, cette vaudaire s'est mise à souffler en tempête, pendant deux jours. Nous avons vécu en famille, volets clos, car, sous la poussée de ce satané vent descendant depuis Martigny, les vitres de nos fenêtres se bombaient et nous avions peur qu'elles éclatent. Les doubles fenêtres n'existaient pas encore.

 

Les enfants n'allaient pas à l'école tant que ce vent tempétueux balayait la plaine du Rhône. Trop dangereux. Les tuiles du toit volaient comme des feuilles mortes et, au village, c'était le même chaos. Surtout Bernard, un de mes enfants, avait de la peine à respirer dans la tourmente. Il est arrivé une autre fois, alors que la vaudaire s'était levée dans l'après midi, que le frère de Bernard est venu à la maison en courant.

- Maman, va vite chercher mon frangin! Il passe à travers prés. Il étouffe!

J'ai empoigné ma pèlerine et couru à sa rencontre. Mon gamin était pâle et suffoquait, blotti contre moi. Il avait sept ou huit ans. Je l'ai protégé et, surtout, il était rassuré par ma présence. Une fois à la maison, ses joues ont repris quelques couleurs.

 

Pour le bétail, lui non plus n'était pas tranquille. Le vent hurlait à travers les interstices de la grange. Les vaches ne faisaient que de se coucher et de se relever, jusqu'à ce qu'elles comprennent qu'à l'étable, elles étaient à l'abri.

 

Ce vent violent descendant la vallée du Rhône venait se briser contre les rochers de la Porte-du-Scex, côté Vouvry. Deux secondes de répit et le voilà se ruant sur la maison, avec un hurlement, on aurait dit le passage d'un express en pleine vitesse. On était tous réunis à la cuisine, essayant par notre attitude de nous rassurer les uns les autres.

 

Résultat de cette tempête: le toit complètement découvert, les tuiles dans l'herbe, d'autres sur le plancher du galetas, les deux portes de la grange sorties de leur rail et fortement abîmées, la cheminée sur le toit arrachée dans sa grande partie. En plus, la vaudaire avait emporté les poutres qui soutenaient les avants-toits.

 

Comme on faisait la cuisine au bois, des voisins charitables nous avaient prêté une petite cuisinière à gaz avec juste deux plaques, mais au moins on pouvait faire le café et à manger simplement.

 

Enfin, le vent s'est calmé. Mon mari et moi, nous sommes mis à recouvrir le toit. Lui attaché au reste de la cheminée pour sa sécurité, moi lui passant au fur et à mesure les tuiles qui avaient échappé à la casse. Par bonheur, comme nous en avions en réserve, nous avons pu remettre en état la toiture et surtout la rendre étanche car, évidemment, la pluie se mettait de la partie.

 

Le lendemain, des experts sont venus estimer les dégâts. Ils ont eu de la peine à croire que le toit avait été découvert. Puis le maçon est venu réparer la cheminée détruite. Il n'avait jamais vu ça. Pour la génération future, il avait mis dans une petite bouteille un papier avec la date et les dégâts occasionnés par la tempête. Cette bouteille a été scellée dans le ciment au sommet de cette réparation. Mais alors, une seconde tempête a tout simplement cassé la bouteille à ras le ciment. Pas d'autres dégâts, sauf évidemment le toit, mais sur une surface plus petite.

 

 

*vaudaire: fœhn violent qui s'ouvre en éventail de Villeneuve, Montreux ,Clarens, Vevey jusqu'à Cully

 


Le 2014-10-12



06/10/2015
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